Conférence organisée par la Société de Physiothérapie de Bourgogne
Jeudi 12 mai 2016 à l’IFMK Besançon
Intervenant : M. Alexandre Kubicki
La Société de Physiothérapie de Bourgogne a réuni pour cette conférence une cinquantaine de kinésithérapeutes de la région de Besançon autour de la rééducation des personnes âgées. Deux partenaires ont également participé à cette soirée, Medicapp Connect et Physio France.
Quelques chiffres
Les personnes âgées fragiles présentent souvent une altération de la fonction d’équilibration qui participe, entre autre facteurs, à la survenue de chutes. La capacité à se stabiliser, en statique comme en dynamique, implique de gérer les déséquilibres intrinsèques ou extrinsèques du quotidien. Les perturbations extrinsèques représentent moins de 20% des déséquilibres conduisant à une chute.
A l’inverse une mauvaise gestion des déséquilibres intrinsèques, lié aux mouvements eux-mêmes, est responsable de plus de 40% des chutes chez la personne âgée à domicile (Robinovitch 2013).
Alexandre Kubicki, Masseur-kinésithérapeute DE, Docteur en Neurosciences du mouvement et responsable de la filière kinésithérapie du Nord Franche-Comté, est venu présenter les travaux de l’équipe INSERM U1093 concernant l’évaluation systémique des fonctions motrices chez les patients âgés.
L’évaluation systémique en opposition à l’évaluation fonctionnelle du patient
En règle générale, le masseur-kinésithérapeute à l’habitude de réaliser une évaluation fonctionnelle du patient âgé avec les tests fonctionnels du type Tinetti, Berg, Timed up and Go, Test Moteur Minimum… Retrouvez ces tests dans Medicapp Bilans*. Le principal avantage de ces tests fonctionnels est qu’ils permettent de quantifier l’évolution du patient ou de situer un patient dans une population donnée. Cela facilite la communication entre les différents intervenants dans le parcours du soin du patient. Cependant on observe un manque d’information concernant les fonctions sous-jacentes de l’équilibre de la personne âgée afin de poser un diagnostic et de choisir les techniques adéquates.
L’évaluation systémique permet de rechercher les sous-systèmes déficients de la fonction d’équilibration, ou au moins d’identifier les sous-systèmes à rééduquer en priorité. L’équipe de Fay Horak a proposé en 2010 une évaluation de la fonction d’équilibration à travers l’évaluation ciblée de 6 sous-systèmes essentiels dans la gestion de l’équilibre [Horak et al 2010].
Dans ce cadre, Alexandre Kubicki et France Mourey sont en train de développer une approche de l’évaluation nommée EquiMOG : Equilibre et Motricité en gériatrie. Il s’agit d’une évaluation systémique pouvant être appliquée au patient fragile. Cette évaluation n’est pas encore validée selon les standards internationaux. Elle reste à l’état de raisonnement à l’heure actuelle. Cette évaluation systémique est un test clinique qui ne nécessite aucun matériel de la part du masseur-kinésithérapeute.
Ce raisonnement met notamment en avant le besoin de savoir pro-agir à ses propres déséquilibres. Il faut pouvoir anticiper les déséquilibres du quotidien au lieu de réagir suite à un déséquilibre.
Le schéma de HESS (1943) nous montre que l’activité posturale anticipée (APA) permet (1) de mettre en place des mouvements efficaces et (2) de rester stable lors de ces mouvements qui perturbent la fonction d’équilibration.
De nombreux facteurs liés à l’âge, dont la sédentarité impliquant un manque de mises à jour du système prédictif, perturbent la capacité du patient âgé à anticiper ses propres déséquilibres. Dans le pire des cas, le patient âgé à un manque total d’anticipation (absence de contrôle en feedforward)= une déstabilisation par un mouvement (élévation d’un membre supérieur, transfert de masse…) entraine une réaction des muscles posturaux (contrôle en feedback).
La question est donc de savoir si ces anticipations posturales peuvent être ré-optimisées et si le cerveau est capable d’apprendre de nouveau.
Plusieurs études ont été réalisées, chez des patients âgés robustes ou fragiles, pour répondre à cette question.
Dans le cas d’un patient âgé robuste, le test montre que les personnes âgées avec entrainement peuvent optimiser leur APA. Mais cela n’est possible que si on entraine ces patients dans des situations complexes (avec de la vitesse et de la variabilité dans les exercices).(Kubicki et al 2012a)
Dans le cas d’un patient âgé fragile, le test montre également que l’APA peut être optimisée lorsque le patient est entrainé, mais avec une faible rétention de l’apprentissage moteur mis en place (Kubicki et al 2014). Cette optimisation des anticipations doit donc être rééduquer de manière régulière chez des patients âgés fragiles.
La question qui se pose maintenant est : comment évaluer l’APA à l’oeil nu ?
Des mouvements simples, tels que monter sur la pointe des pieds en tenant les mains du practicien, ou encore monter le pied sur une marche, nécessite de mettre en place une anticipation posturale. Il est aisé de percevoir les signes d’une mauvaise anticipation lors de ces mouvements (Kubicki et Mourey 2015)
Pour conclure Alexandre Kubicki met en avant la nécessité de réaliser, en plus d’une évaluation fonctionnelle du patient âgé, une évaluation systémique afin de pouvoir réaliser un diagnostic kinésithérapique du patient et définir la stratégie de rééducation, la technique et les exercices appropriés. L’évaluation fonctionnelle seule ne peut pas remplir cette fonction, mais reste très utile pour quantifier le niveau fonctionnel global des patients et pour communiquer en pluri-professionnalité.
Ces deux évaluations sont complémentaires dans la réalisation du Bilan Diagnostic Kinésithérapique et un meilleur suivi du patient au cours de son parcours de soin.
En savoir plus :
Pour en savoir plus sur l’évaluation systémique et la méthode EquiMOG vous pouvez contacter directement Alexandre Kubicki par email : alexandre.kubicki@hncf.fr
*Retrouvez les tests fonctionnels dans l’application Medicapp Bilans, « Thème > Neurologie – personnes âgées > fonctionnel » ou « Moteur de recherche > Tinetti, TMM, … ».